Non mais quel scandale !
Vous vous rendez compte, tous ces banquiers qui profitent de l'argent public pour s'octroyer des primes indécentes alors qu'ils ont fait connerie sur connerie ?
Je la voyais pas comme ça, la prime à la casse.
Bon, trève d'âneries, s'il vous plaît, et essayons un peu de se servir de nos têtes. Oui, pour les coups de boule aussi, mais d'abord pour réfléchir un peu - juste un peu, partez pas mesdames.
Ca vous paraît pas bizarre, à vous, toutes ces affaires de primes, bonus et autres parachutes dorés, qui éclosent dans la presse jour après jour ? Franchement, les patrons de banque, ils devaient bien se douter que ça leur pèterait à la tronche, ces arnaques-là. En plus, ça apparaît dans Libé, la bonne conscience de la gôche.
Ben pour tout vous dire (enfin, sur le sujet, hein, on n'est pas sur Confessions Intimes, ici), j'ai l'impression que ça cache quelque chose. Je m'explique.
Pourquoi les banquiers s'octroient-ils scandaleusement ces bonus en sachant pertinemment que ça va faire scandale ? Peut-être justement pour que ça fasse scandale. Au moins, quand on parle de ça, on parle pas d'autre chose.
Parce que les bonus, parachutes dorés et autres gratifications, quand on sortira de la période de crise et de gaspillage de fonds publics en plans de sauvetage inutiles, ça va reprendre de plus belle. Il suffit aux banquiers et traders d'attendre deux ou trois ans (allez, ils pourraient même attendre jusqu'à la réélection de Sarko en 2012) avant de se regoinfrer ; juste une petite pause digestive, quoi.
Mais le principal, c'est que ça fait parler, ça fait réagir Roger au Café du Commerce.
Hop, "et si on faisait une loi sur la rémunération des patrons ?" dit Sarko-le-démago. "Ah non", répond Lolo Parisot. "Bon, les bonus, c'est mal, on va quand même pas légiférer sur tout, quand même", dit Guaino. Numéro de clowns à trois, avec Auguste, Monsieur Loyal et la Mère Denis en guest. Le bon peuple a toujours bien aimé les clowns. (1)
Il n'y aura pas de loi, ou alors une loi inapplicable, vous en faites pas. Y'aura des gros yeux, des "c'est pas bien", des "rendez les sous", et si ça se trouve, les sous seront rendus par les abuseurs contrits qui jureront qu'ils regrettent, qu'à l'avenir ils seront de bons citoyens juste à peine un peu pétés de thunes.
Le bon peuple sera content, Sarkozy il est trop fort, il est trop de gôche quand il veut, il sait trop se faire obéir des patrons au doigt et à l'oeil. Sarkozy dira en 2012 : "j'ai moralisé le capitalisme, regardez, y'a plus de bonus ni de parachute doré - dans ton cul, la gôche" (2).
Et puis tout redeviendra comme avant ; rien n'aura été fait pour éviter que la finance prenne des risques inconsidérés aux conséquences dramatiques, mais pendant deux ou trois ans, les patrons auront été raisonnables. Enfin, ils auront gagné des sommes seulement astronomiques et non pas indécentes(3). C'est ça, être raisonnable et civique dans le monde selon Sarkozy.
(1) N'a-t-il pas élu Chirac ?
(2) Enfin, j'imagine qu'il le dira comme ça.
(3) Au fait, ça commence où, l'indécence, en matière de rémunération ? Faudra que je traite de ça dans mon étude sur les gros bourgeois.